Monday, June 7, 2010

Introduction

Rony Blain 25 février 2010


Il y a deux ans, après avoir rédigé Le Guide de la réforme haïtienne, une collection de six ouvrages, puis La Nouvelle opposition, j’ai fait passer dans notre milieu une circulaire où il fallait inscrire le nom des notables qualifiés pour des fonctions administratives. N’ayant pas reçu de réponse, je me suis contenté de collecter des noms de personnalités engagées dans le débat politique, d’habiles analystes, rayons de l’âme nationale. Dans les archives du Nouvelliste, j’ai trouvé un article contenant la photographie du Professeur Anil Louis-Juste, un noir portant des tresses.

En me jetant sur les traces du Professeur, je constate qu’il a publié dans Alterpress plus d’une cinquantaine d’articles, sur le combitisme, la réforme universitaire et l’environnement. Le lot contient “La personnalité autoritaire chez l’étudiant haïtien”, article qui attira mon attention quand il fut publié en 2004.

La brutale disparition du Professeur m’a surpris, mais le silence de l’intelligentsia nationale m’a poignardé. Si je dénonce inlassablement l’improductivité de nos intellectuels, la victime était le plus prolifique du professorat national.

Personne parmi les trois cents professeurs de l’Université d’État n’a senti la nécessité de nous présenter ce confrère ni de commenter cette disparition. Si j’accepte cette démission, la fatalité quotidienne, je ne saisis par le sens de cette trahison. Répandu, le sang de Anil Louis-Juste sauva une infinité de vie.

En effet, la nouvelle de l’attentat dont il était victime charia enseignants, étudiants à son chevet quand d’autres groupes se massaient sur la cour des universités. C’est à ce moment fatidique que le tremblement frappa. Ainsi, ceux qui devraient se trouver sous les dalles étaient répartis entre la cour et l’hôpital.

Cette attitude, cet abandon, cette trahison aident à définir les causes de la déchéance nationale. Nous sommes tous malades, souffrants des mêmes maux : grandeur sans caractère, fierté sans pudeur. Pourtant, la génération d’hier savait provoquer des événements pour pouvoir prononcer des discours. Si nos Professeurs sont si mesquins, qu’en dira de nos étudiants, nos futurs dirigeants.

Certains auraient pu servir de la chute de cet homme pour s’élever. Mais par manque de caractère, perdant la notion d’ascension, nous avons fait de cette disparition une ruine collective. Le défunt avait un statut de notable, entretenait une forte clientèle, animait notre communauté, mais son départ fut marqué d’un convoi de mépris, accueil réservé aux anonymes.

Quand on a perdu l’honneur, il faut sauver la face. Si l’autorité morale refuse de poindre, elle disparaîtra dans sa cachette.

Je juge cette attitude injuste, nos lettrés ne devraient pas assassiner le Professeur Anil Louis-Juste une deuxième fois.

Sur le pavé ensanglanté où le Professeur Anil Louis-Juste est tombé, je m’érige pour divulguer mon Programme de réforme générale. Cette série s’appelle « Réponses posthumes ».

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